Aujourd'hui, 16 août 2017, voilà 40 ans que l'on a annoncé la disparition du King. Claire Conruyt du Figaro m'a fait intervenir en tant qu'auteur de Elvis Presley, histoires & légendes, sur 10 grandes chansons d'Elvis.
En voici des extraits :
Blue Suede Shoes, Suspicious Minds, Hound Dog... Daniel Ichbiah, auteur d'Elvis Presley, histoires & légendes et spécialiste du rock des années soixante, revient pour Le Figaro sur les plus grands tubes du pionnier du rock'n'roll.
● Suspicious Minds, paroles et musique de Mark James, 1969
«C'est un titre très important pour Elvis. En 1969, voilà cinq ans que le chanteur n'avait pas eu de chansons classées numéro un. Les Beatles, Les Rolling Stones ou encore, The Doors, avaient repris l'avantage. Et si Presley a tant de mal à relancer sa carrière, c'est à cause de son manager, le colonel Parker. Ce dernier était très rusé et a, certes, participé à l'ascension d'Elvis tout en le brisant. En véritable businessman, il avait une règle avec les chansons qu'on proposait à son artiste: si quelqu'un voulait que le «King» interprète des morceaux, le compositeur devait reverser des droits au chanteur et donc, au colonel lui-même. Cela en rebutait pas mal... Un jour, un ami proche de Presley lui a dit: "Si tu n'as pas de bonnes chansons, c'est parce que les compositeurs ne veulent pas céder la moitié de droits. Si tu veux faire un tube, il va falloir que tu t'émancipes du colonel Parker." Elvis décide alors d'enregistrer le titre Suspicious Minds sans l'accord de son manager. Très rapidement, le morceau s'est imposé comme un de ses meilleurs: une introduction à la guitare irrésistible, du rythme, une belle chanson en somme. Quand il l'a appris, le colonel Parker était furieux. Mais Elvis s'est retrouvé au sommet grâce à cette émancipation. Puis, il est rentré au bercail.»
● Blue Suede Shoes, paroles et musique de Carl Perkins, 1956
«Voilà le genre de chanson qui fait la force d'Elvis. À l'origine, ce titre est créé par le compositeur et interprète Carl Perkins, mais si on la compare avec la version du «King», on comprend immédiatement pourquoi c'est Elvis qui a inventé le rock'n'roll. Perkins, lui, la chante tranquillement, avec un son country. C'est une sorte de balade rapide. Et quand Elvis la reprend, on en prend plein la figure! La musique cisaille l'atmosphère, il a littéralement inventé le phrasé rock, une façon de prononcer les mots qui n'existait pas du tout à l'époque. Mais lui, a adopté cette manière d'articuler que seuls chanteurs noirs avaient. Sa voix de blanc était si puissante, elle n'avait pas besoin d'effets spéciaux. Quand Blue Suede Shoes sort en 1956, ce n'était pas encore un single. Le tube du moment était alors Heartbreak Hotel. Mais lorsqu'on écoute le premier album, c'est comme un changement de programme: le rock'n'roll est arrivé avec Blue Suede Shoes.»
● Jailhouse Rock, paroles et musique de Jerry Leiber et Mike Stoller, 1957
«C'est extraordinaire car cette chanson est tirée d'un film d'un niveau très faible, le scénario ne vaut vraiment pas grand-chose. Elvis y joue un petit rôle de minaud et tout est fait pour qu'on puisse le voir chanter. Mais quand il interprète Jailhouse Rock, il imite avec sa voix le son d'une guitare électrique. C'est exactement l'équivalent de ce que fera Jimi Hendrix des années plus tard. Personne n'a jamais eu un tel grain depuis Elvis et c'est probablement lui qui a la meilleure voix rock. Ce qui est drôle, c'est qu'il préférait chanter le gospel ou des ballades. Seulement, le public adorait le rock pour lequel il avait un véritable don. Un jour, Priscilla - sa compagne —, lui a suggéré de se remettre au rock. Elle trouvait qu'il chantait trop de morceaux lents et sirupeux. Et elle avait raison! Mais il lui a répondu, avec cette misogynie qu'on lui connaît: "Qu'est ce qu'une nana comme toi y connaît en musique?".»
● Hound Dog, paroles et musique de Jerry Leiber et Mike Stoller, 1956
«Cette chanson est sortie durant l'été 1956. Elle est essentielle car c'est vraiment celle qui le révèle à la télévision avec ce jeu de scène légendaire. Ce fameux déhanché et mouvement des jambes. À l'époque, cela a fait scandale. Plus de 50.000 lettres de plaintes ont été envoyées! Dès lors, les cameramen veilleront à le filmer au-dessus de la ceinture. Mais il n'y pouvait rien, c'était nerveux chez lui. Et ce côté sexy fait partie du personnage. C'était encore quelqu'un de très naturel à l'époque, rien n'était calculé. Il a percé à une vitesse phénoménale et ne s'y attendait pas. Le premier single est sorti en janvier et trois mois plus tard, un journaliste écrit alors que même en sifflant, le "King" écoulerait tous ses disques. À l'époque, passer à la télévision avait déjà un impact phénoménal: il était devenu l'idole des jeunes. Hound Dog et Don't Be Cruel, qui figure sur l'autre face du 45 tours, sont deux titres qui vont être mis en avant par les radios. Les deux tubes se classent numéro 1. La mode du rock'n'roll est lancée.»
● À little Less Conversation, paroles et musique de Mac Davis et Billy Strange, 1968
«Cette chanson est dans l'album en 1968, Almost in Love, mais est passée totalement inaperçue. En 2002, un DJ, Junkie XL, la remixe. Il était loin de soupçonner le succès à venir. Une fois le titre sorti, ses enfants sont rentrés d'école en lui disant que tout le monde écoutait cela! Et finalement, grâce à ce remix façon «disco», Almost in Love a fini par être un des disques les plus vendus d'Elvis, mort depuis trente ans.»
● Love Me Tender, paroles de Ken Darby, musique d'Elvis Presley et Vera Matson
«Elvis la chante dans un de ses premiers films. Dans celui-ci, Le Cavalier du crépuscule, il interprète cette vieille chanson sudiste dont les paroles ont été réécrites pour être adaptées au script. Il y a cette scène en particulier où il la chante à l'héroïne, jouée par Debra Paget. C'est une des premières ballades que le «King» interprète et qui lui permet de révéler son côté plus sensible.»
● Viva Las Vegas, paroles et musique de Doc Pomus et Mort Shuman, 1964
«Elvis Presley interprète Viva Las Vegas alors qu'il vit une histoire d'amour avec Ann-Margret. Et ce, bien qu'il soit fiancé avec Lisa Marie. Cette dernière prendra connaissance de cette liaison secrète par la presse. "Il faut que tu t'habitues à ce que cela arrive", lui dit alors Elvis. Il y a une énergie dingue dans cette chanson, avec cette folle histoire d'adultère.»
● That's Alright (Mama), paroles et musique d'Arthur Crudup, 1954
«C'est une chanson essentielle car l'histoire du rock'n'roll à la Elvis est avant tout un coup du hasard. En 1953, alors qu'il souhaite faire un cadeau à sa mère, il enregistre un 45 tours pour elle. Immédiatement, la secrétaire de la maison de disques, Sun, remarque le garçon et propose au directeur Sam Philipps de l'auditionner. Elvis vient au début de l'été 1954 et y enregistre quelques ballades. Mais lors d'une pause, deux musiciens et le futur «King» s'amusent à prendre une guitare et à chanter That's Alright (Mama), du blues mais bien plus rythmé. Sam Philipps lui demande alors de le refaire, et l'un des premiers titres du rock'n'roll blanc naquit. C'est le début de tout. Un coup de bol.»
● Heartbreak Hotel , paroles et musique de Mae Boren Axton et Tommy Durden, 1956
«En 1956, il y avait des gens comme John Lennon, Keith Richards des Rolling Stones ou encore Bob Dylan. Ils considèrent que cette chanson a changé leur vie. Le titre est devenu un des premiers singles du monde pour beaucoup de gens. À l'époque, personne n'a jamais vu cela: un blanc qui chante et danse de la même façon qu'un noir. Heartbreak Hotel est un blues remanié en une version rock. À l'époque, Frank Sinatra se montre méprisant envers ce courant musical (un peu comme ceux qui, aujourd'hui, se plaignent du hip-hop). Cette chanson a eu un impact très particulier. Sans elle, il n'y aurait jamais eu The Doors, les Beatles, Bruce Springsteen et les Rolling Stones. Enoutre, il a ouvert la voie à des artistes majeurs dont James Brown ou encore Michael Jackson, alors que les blancs considéraient leur musique comme méprisable ou secondaire. James Brown a dit: ‘‘On a reproché à Elvis d'avoir volé la musique noire. Ce n'est pas vrai. Au contraire, il a donné une voix au peuple noir.''»
Pour lire l'intégralité de l'interview : http://www.lefigaro.fr/musique/2017/08/16/03006-20170816ARTFIG00001-elvis-presley-ses-10-tubes-historiques.php
Le lien vers la page du livre Elvis Presley histoires & légendes, édition 2017 : http://ichbiah.online.fr/elvis-presley.htm