
Le nouvel album de Madonna vient de sortir, Madame X, et franchement, il y a beaucoup de bonnes choses dedans. Louis Hermant de la Libre Belgique a souhaité me faire intervenir sur cet incroyable parcours. L'occasion de rappeler que, si Madonna devait faire face à Britney Spears et Lady Gaga au début des années 2000, elle a évincé ces deux concurrentes et s'impose encore et toujours comme la reine de la pop et des dancefloors.
Pour mémoire, les 3 livres que j'ai écrits sur Madonna sont exposés sur cette page :
https://ichbiah.com/madonna.htm
Quand à l'article de la Libre Belgique, il est ici :
https://www.lalibre.be/culture/musique/madonna-pour-l-amour-du-risque
Il n'est accessible qu'aux abonnés de ce magazine donc je vous le reproduis ici :
Avec Madame X, son nouvel album disponible aujourd’hui, Madonna se réinvente une nouvelle fois.
Reine de la pop, reine de la provocation, reine de la réinvention. Au cours de ses presque quarante ans de carrière, Madonna a enfilé différentes personnalités et incarné différentes ères. Avec Madame X , sorti ce vendredi, elle pousse le concept encore plus loin en prenant les traits d’un agent secret qui parcourt le monde et se plonge dans différentes identités. "C’est une danseuse. Une enseignante. Une chef d’État. Une femme de ménage. Une cavalière. Une prisonnière. Une étudiante. Une mère. Une enfant. Une nonne Une chanteuse. Une sainte. Une p…e" , déclare la chanteuse dans la vidéo présentant ce dernier album.
La plus grande vendeuse de disques de tous les temps (plus de 330 millions d’exemplaires) revient sur le devant de la scène avec un opus plus politique. Notamment sur les titres "God Control" qui évoquent la circulation des armes aux États-Unis ou encore "Killers Who Are Partying" où la chanteuse veut se glisser dans la peau des minorités (les homosexuels, les musulmans, les victimes de viol, les Israéliens…).
Les douze morceaux se bousculent entre musique latine, reggaeton et dance music. Un album plutôt réussi où l’on sent les différentes influences de la chanteuse, sud-américaines sur "Medellin" mais aussi portugaises à d’autres moments. "Madonna s’est installée à Lisbonne pour son fils David qui souhaitait faire du foot avec le club Benfica. Ce nouveau lieu de vie a tout naturellement mené à de nouvelles rencontres artistiques, notamment musicales, d’où l’influence du fado, entre autres, dans ce nouvel album", nous explique Bruno Agar, enseignant-chercheur à l’université Paris-Saclay Evry Val d’Essonne et auteur d’une thèse consacrée au religieux et au politique dans les documentaires de Madonna.
Ce quatorzième disque studio se présente comme l’une de ses propositions les plus surprenantes et… osées. Surtout depuis MDNA (2012) et Rebel Heart (2015) où l’on sentait Madonna quelque peu dépassée. À 60 ans, la Madone n’a pourtant plus rien à prouver à personne. Mais le risque, c’est bien le secret de sa longévité. Elle possède une compréhension supérieure du fonctionnement de l’industrie musicale, une volonté de s’entourer de producteurs et artistes ancrés dans leur époque (Mirwais, ex-Taxi Girl, dans ce cas-ci), des engagements forts de tolérance et surtout une facilité à se réinventer. "Madonna revient à chaque fois avec un nouveau concept artistique, pas seulement un nouvel album. Elle sait s’appuyer sur des éléments biographiques qui l’inspirent, et qui apportent une authenticité à son propos", analyse le chercheur français. "Lorsqu’elle sort un nouvel album, c’est comme si un ami donnait des nouvelles", déclare Daniel Ichbiah, auteur du livre Les Chansons de Madonna (2014).
Retour sur les différentes métamorphoses de l’icône pop.
La conquérante
Rêvant d’entamer une carrière dans la danse, Madonna Louise Ciccone quitte son Michigan natal pour New York en 1978. Un peu paumée, elle vit dans un taudis et fait des petits boulots pour s’en sortir. “Elle va subir des scènes très difficiles, comme par exemple la fois où son père vient lui rendre visite par surprise. Il la supplie de revenir à la maison. Mais elle refuse, tout comme elle refuse qu’il lui donne le moindre sou”, raconte Daniel Ichbiah, auteur de 3 livres sur Madonna. Avec sa “rage de réussir hallucinante”, elle parvient à percer avec Like A Virgin, son deuxième opus, en 1984.
La même année, lors des premiers MTV Video Music Awards, elle débarque en robe de mariée et danse en prenant des poses suggestives. “Elle a compris que pour percer, il fallait qu’elle use du sexe comme arme. Elle l’utilise de façon très volontaire car elle sait qu’elle va mettre les hommes à ses pieds de cette façon.” explique Daniel Ichbiah. En bousculant les codes, elle avait son plan d’attaque pour conquérir l’Amérique et le monde entier.
Ange et démon
Avec l’album True Blue (1986), où elle s’affiche les cheveux courts et teints en blond platine, le public voit apparaître une autre Madonna. Il ne s’agit pas seulement d’un changement de look, “elle devient une sorte de porte-parole féministe de son époque”, analyse Daniel Ichbiah. Pour lui, elle s’impose comme l’égal de l’homme et prouve que l’on peut mener une carrière toute seule.
Sur “Papa Don’t Preach” où elle aborde le thème de la grossesse chez les adolescentes, elle chante qu’elle veut garder son bébé (“I’m gonna keep my baby”). Le titre fera polémique parmi les Américains. “Elle prend le contre-pied des féministes des années 1970 qui se sont battues pour le droit à l’avortement” indique Daniel Ichbiah "et commence à prendre position sur des sujets de société". Quelques années plus tard, elle fait à nouveau scandale avec son single et le clip de “Like A Prayer”, qui mélange sexualité et religion, sa recette de prédilection de l’époque.
Quand Michael Jackson murmurait à son oreille
Au début des années 1990, Madonna doit renégocier son contrat avec Warner. “C’est Michael Jackson, qui au cours d’un dîner mémorable, l’aiguille. Il lui conseille de proposer à sa maison de disques une combinaison d’offres tellement incroyable qu’ils ne pourront qu’être à ses pieds” raconte le biographe Daniel Ichbiah. Suite à cette discussion, la chanteuse de 34 ans s’affranchit du diktat des maisons de disques. Elle décide de publier un livre de photos érotiques intitulé Sex. “Dedans, on la voit, par exemple, faire du stop toute nue sur une route. C’est un livre dans lequel elle donne libre cours à ses fantasmes”, indique son biographe. Elle propose à Warner de compiler cet ouvrage avec un film, Body, pour son nouvel album Erotica (1992). Véritable célébration de la sexualité, cet opus a pour but de lever les tabous autour de ce sujet. “Elle va jouer cette carte jusqu’en 1994 où lors du David Letterman Show, elle va exhiber sa petite culotte devant le présentateur et va jusqu’à lui demander s’il veut la sentir.”
Place au glamour
Toujours provocatrice sans jamais être vulgaire, selon l’auteur des Chansons de Madonna, la Madone se rend compte après avoir joué de la culotte, qu’elle a été au bout de cette attitude. En excellente transformiste qu’elle est et avec un timing toujours parfait, elle va ensuite cultiver une image de femme très classe et glamour avec la sortie de Bedtime Stories (1994) et Ray of Light (1998).
Le film Evita (1996) et sa bande originale vont davantage concrétiser ce reflet de femme fatale. “Pour son film, elle est allée jusqu’à dîner avec le président de l’Argentine pour demander des autorisations de tournage. C’est quelqu’un qui a été reçu par les plus grands. Elle sait se comporter comme une grande dame. Elle peut jouer divers rôles qu’elle assume complètement”, assure Daniel Ichbiah.
Peu importe la concurrence
À partir des années 2000, la reine de la pop voit la concurrence arriver. Britney Spears, Lady Gaga, Miley Cyrus et bien d’autres ne peuvent pas nier l’héritage dont elles s’inspirent. Pas une n’a d’ailleurs pensé le cacher. Pour garder sa couronne, Madonna “prend le parti de jouer les ‘djeuns’”, note Daniel Ichbiah. À presque 50 ans désormais, elle semble inarrêtable. Dans le clip de “Hung Up” (2005), qui sample la chanson “Gimme, Gimme, Gimme” d’ABBA, elle s’affiche en justaucorps rose fuchsia et danse comme à 20 ans. Hyperactive, elle multiplie également les collaborations, avec Britney Spears en 2003, Justin Timberlake, en 2008, Kanye West ou plus récemment Nicki Minaj (2015). Comme elle l’a toujours fait, Madonna s’entoure des artistes de la nouvelle génération pour rester dans le coup, avec plus ou moins de succès…