"Les robots dans la fiction" : un essai pour Historia BD
vendredi 26 juin 2020
Historia BD m'a demandé d'écrire un essai sur les robots dans la fiction, en évoquant notamment Radar le robot, l'incursion de Franquin dans le territoire des humanoïdes.
Que dire... S'il est un génie de la bande dessinée, c'est clairement Franquin ! Qu'il s'agisse de Spirou ou du Marsupilami, je reste pantois devant tant d'inventivité, et sa capacité à réaliser des histoires que l'on peut déguster à deux niveaux : les enfants apprécient l'action mais les adultes se délectent des références à leur monde.
Alors, écrire le texte de ces 4 pages a été un vrai bonheur. Radar le robot n'est présent que dans la première colonne. Le reste fait la part belle, aussi bien à Asimov qu'à Astro Boy, en soulignant à chaque fois combien les auteurs de fiction s'étaient montrés excessivement optimistes. Et, bien que ce numéro soit censé couvrir la période 1945 - 1975, j'ai tout de même inclus des oeuvres telles que Star Wars (1997) et Blade Runner (1982).
Historia BD m'a autorisé à vous livrer ici quelques extraits. Les voici :
S’il est un domaine où l’imagination des auteurs a outrepassé la réalité, c’est celui des robots. Dans Radar le Robot, Franquin a resservi une bonne part des mythes du domaine : le robot qui poursuit inlassablement Spirou est une bête de technologie comme on n'en verra sans doute pas avant des décennies. Visionnaire, Franquin ? Animé par sa folle démesure ? Peut-être juste le reflet d’une époque où l’on fantasmait volontiers sur des capacités que la technologie peine à reproduire.
Dans Radar le robot, le personnage de métal mis au point par un savant déjanté présente des caractéristiques dignes de celles qui feront frémir plus tard les spectateurs de Terminator : quasi indestructible, il n’a pour vocation que d’accomplir coûte que coûte la tâche qui lui a été fixée. En vérité, Franquin s’est inscrit dans la ligne de la science-fiction qui a bercé les jeunes adultes des années 60. Leur adolescence a été marquée par la série des nouvelles d’Asimov, qui a tenté d’idéaliser le robot en lui prêtant des prouesses extraordinaires. Asimov les a même dotés d’une éthique, d’un souci de réparer les erreurs de ses géniteurs humains, trop humains.
Hélas, les robots qui voient le jour à l’orée des vibrantes sixties n’ont rien de spectaculaire.
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La culture des années 60 est marquée par un vent de liberté qui impacte les auteurs et le robot protecteur de l’Homme énoncé par Asimov n’est plus à l’ordre du jour. En 1968, le maître de la science-fiction Philip K. Dick développe une vision ultra-futuriste dans Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques : les « répliquants » sont si perfectionnés qu’il est impossible de les différencier des humains. Même le héros chargé de chasser les répliquants en vient à douter de sa propre nature. Pourrait-il être lui-même un répliquant programmé pour croire qu'il est un homme ?
Un humanoïde... Voilà ce que l’on attend de la robotique. Le défi est relevé en 1968 par une équipe du Stanford Research Institute de Californie. Premier robot mobile autonome, Shakey n’a pourtant pas fière allure. Il a pour tête une grande caméra qui tourne et s'incline. Son corps est constitué par un immense ordinateur posé sur une plate-forme à roulettes. Shakey se meut avec une lenteur exaspérante (il lui faut une heure de calcul pour opérer un mouvement). Il n'empêche, cet ‘androïde’ perçoit son environnement : sa caméra, associée à un télémètre l’amène à mesurer les distances tandis que ses senseurs tactiles perçoivent les obstacles. Shakey parvient donc, de lui-même, à porter un objet d'une pièce à une autre.
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Il faut toutefois l’admettre : le robot ne font plus rêver. Les modèles en service ont achevé de briser le mythe. Et la science-fiction s’est mise en quête d’autres fantasmes.
Pourtant, les robots opèrent un retour inattendu sur le devant de la scène avec Star Wars de Georges Lucas (1977). Deux personnages secondaires du film acquièrent une popularité énorme. Le premier est le rondouillard R2-D2, un robot réparateur de vaisseaux spatiaux. Se déplaçant sur des roulettes, il s'exprime par le biais de bruitages électroniques, tandis que sa tête entre en rotation. R2-D2 est assisté d'un androïde qui évoque un maître d'hôtel guindé aussi timoré qu'il est cultivé - il sait traduire des millions de langues. 5 ans plus tard, Blade Runner (1982), transpose à l’écran le roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques de K.Dick ? Dans ce film cultissime, Ridley Scott amène le spectateur à compatir au destin de répliquants sensibles et raffinés.
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Voilà. Si vous souhaitez avoir la totale, il faut acheter le magazine. Avant tout, vous y découvrirez un très bel essai sur Franquin, rédigé par le plus grand spécialiste BD que je connaisse, Patrick Gaumer. Et bien d'autres articles savoureux.