Grâce à des albums comme Midnights de Taylor Swift, ceux de Morgan Wallen ou encore la K-pop coréenne, mais aussi avec la montée en puissance du streaming, l'industrie musicale américaine a repris des couleurs. Atlantico m'a interviewé sur le sujet. En voici un extrait :
Atlantico : L’industrie musicale américaine semble désormais se relever et renoue avec des profits records en 2023. Qu’est-ce qui a pu changer, selon-vous ? Comment expliquer ce renouveau et peut-on s’attendre à ce qu’il dure ?
Daniel Ichbiah : Tout cela résulte de plusieurs facteurs. Rappelons, d’abord, que plusieurs albums particulièrement marquants sont sortis récemment. Prenons Taylor Swift, qui figure parmi les meilleures ventes de cette année : son album intitulé Midnight correspond peu ou prou à ce qu’elle a fait de meilleur. Elle a réussi à synthétiser un son extrêmement dans l’air du temps, qu’il est facile à la fois d’écouter et d’utiliser pour créer une ambiance, notamment quand on reçoit des amis par exemple. Il n’est donc pas étonnant qu’elle explose les ventes (+90% de ce qu’elle vend habituellement avec cet album !). La progression est d’autant plus étonnante qu’il faut se rappeler qu’elle vient de la country, initialement. Aujourd’hui, elle a opté pour un son très minimaliste, sur le plan orchestral, et dont la qualité de production ne fait aucun doute.
De l’autre côté, il y a aussi Morgan Wallen, qui peut compter sur le public de la country. Aux Etats-Unis, c’est un marché important qui couvre tout le Middle West. Il a réussi un coup de force cependant : c’est lui qui a su “popisé” ce son et le rendre agréable à l’oreille d’un public qui n’était pourtant vraiment pas convaincu à l’origine. D’une façon générale, ces deux exemples illustrent bien la façon dont la musique a pu évoluer : le son qui plaît, aujourd’hui, est un son d’atmosphère, minimaliste, presque ouaté. Il ne faut pas non plus oublier la pop coréenne et ses visuels délirants, ses clips très réussis techniquement.
A mon sens, c’est un renouveau qui est parti pour durer en cela qu’il est générationnel. Le son proposé est, évidemment, apprécié des jeunes générations. C’est une musique qui rajoute une ambiance et c’est précisément pour cela qu’il s’impose.
Ceci étant dit, il ne faut pas non plus perdre de vue l’impact de certaines avancées techniques et tout particulièrement celui du streaming. Il est, dorénavant, beaucoup plus simple d’écouter de la musique que cela ne pouvait être le cas par le passé. Si l’on conjugue le streaming aux réseaux sociaux, qui permettent aux artistes contemporains à entretenir une certaine relation avec leurs publics respectifs, cela ouvre des portes différentes sur le monde de la consommation musique. Certains optent aussi pour le “Meet’n’Greet”, qui consiste à payer un certain prix pour pouvoir rencontrer son artiste préféré. De quoi renforcer le sentiment de proximité.
Les réseaux sociaux permettent un autre type de lien : Taylor Swift les a ainsi utilisés pour témoigner de son soutien à certains sénateurs, ce qui n’est pas sans jouer sur son image publique.
Chaque génération aura eu ses idoles musicales.
Indépendamment de tout cela, il faut aussi reconnaître l’attachement à l’objet physique, à la possession, qui persiste à travers l’achat en forte hausse de vinyls. C’est un bel objet, qui séduit encore. De même que certaines éditions spéciales que sortent Taylor Swift ou certains groupes de K-Pop…
En tête des ventes, on retrouve notamment Taylor Swift, Morgan Wallen ainsi que des artistes K-pop, qui boostent notamment les ventes de vinyls. Du côté digital aussi l’activité progresse, notamment à l’aide de streams. Qu’est-ce que cela dit, selon vous, de l’avenir des ventes en matière de musique ? Pourra-t-on encore vendre des chansons provenant de styles plus datés, par exemple, ou moins internationales ?
La musique, et ces évolutions l’illustrent bien, reste quelque chose de très générationnel. C’est, à mon sens, l’enseignement que l’on peut tirer de cette évolution des goûts, telle qu’observée à travers le changement des courbes de vente. Chaque génération a besoin de s’identifier à des artistes qu’elle estime représenter son époque… quand bien même ceux-ci peuvent se produire sur scène depuis des années déjà. C’est le cas de Taylor Swift aux Etats-Unis ou de Clara Luciani et Stromae du côté de la France, par exemple.
Il y aura toujours des artistes symboliques de leur époque. Aujourd’hui, ceux-ci produisent un son qui a tendance à tirer vers l’atmosphérique, ce qui l’éloigne considérablement des derniers styles observés comme le rap ou le rock’n’roll. C’est n’est pas seulement le cas aux Etats-Unis : Angèle opte pour le même type de sonorité ici.
Je suis persuadé que, comme les Beatles ou The Police avant eux, ces artistes seront certainement dépassés d’ici une décennie. Pourtant, cela ne veut pas dire qu’il n’auront rien représenté… simplement que d’autres représenteront mieux, à ce moment-là, leur époque aux yeux du public d’alors. A chaque génération ses idoles.
Rappelons cependant que le streaming, qui favorise l’écoute de musique, tend à encourager la diversité, notamment via le système de playlist. Il est possible que cela pousse les uns et les autres à sortir de leur zone de confort habituel. D’autant plus que ce modèle à longtemps été perçu comme non-rentable et que désormais le nombre d’abonnés explose. Rien qu’en France, on compte 16 millions d’abonnés, toute plateforme confondue ! Tout cela fait de l’argent qui rentre. Certains instituts arrivent même à restituer les nombres d’écoutes en potentiel de vente d’albums, désormais.
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L"interview intégrale se trouve à cette adresse : https://atlantico.fr/article/decryptage/l-industrie-musicale-americaine-renoue-avec-les-profits-records-et-voila-comment-daniel-ichbiah